Le projet de confortement des digues des îles Piot et Barthelasse consiste à rehausser et garantir le niveau de protection des ouvrages existants contre les crues du Rhône jusqu’à une crue vingtennale pour l’île Piot et décennale pour l’île de la Barthelasse. Ces îles sont actuellement protégées par des ouvrages anciens sur lesquels s’est développée une importante végétation et qui présentent des risques importants de rupture ou de dysfonctionnement en cas de crue.
Ce projet s’inscrit dans le cadre du volet inondations du plan Rhône, mis en place suite à la crue majeure des 3 et 4 décembre 2003 et des objectifs du schéma de gestion des inondations du Rhône aval (juillet 2009). Les principes d’aménagement visent aussi à préserver le caractère de champ d’expansion de ces îles pour les crues les plus fortes tout en limitant l’impact hydraulique du projet sur l’aval.
Les enjeux principaux de ce projet dont on parle depuis 30 ans sont situés essentiellement sur le secteur de la Barthelasse, dont le caractère naturel mais aussi agricole est plus marqué que celui de l’île Piot. Ils concernent la prise en compte du risque inondation, la préservation des milieux naturels, l’intégration paysagère des ouvrages, l’attrait pour le cadre naturel péri-urbain des îles Piot et Barthelasse pour le public et l’impact du projet pour les usagers.
Ce projet est porté par la Communauté d’Agglomération du Grand Avignon qui détient la compétence de ce type de projet, il est réclamé par l’association syndicale gestionnaire des digues (ASCO) qui représente les propriétaires présents sur les îles, il est combattu par l’association SOS Barthelasse .
Après examen du dossier de l’étude d’impact mis à l’enquête publique (qui se termine le 24 février), après lecture des arguments présentés par les opposants au projet, après lecture de l’avis de la Mission Régionale d’Autorité environnementale de PACA, la MRAe et après une rencontre avec Bernard CAPEAU président de l’ASCO (Julien de Benito et moi étions présents à cette rencontre) je formule les remarques, avis et analyses suivants :
Tout d’abord ce projet n’est pas une lubie de Barthelassiens insensibles à la nature et à l’environnement soucieux uniquement de leur confort. Il s’inscrit dans un cadre global du plan Rhône et de son volet gestion des inondations de Lyon à la mer méditerranée. C’est bien pour cela que l’Etat doit contribuer à hauteur de 40% du coût total (17,8 M€).
Il n’est pas inutile de rappeler que depuis des siècles, sans remonter à l’empire romain les hommes ont constamment réalisé des travaux importants sur et autour du lit du Rhône pour protéger les villes et villages situés sur ses berges, pour protéger les cultures, pour permettre la navigation, pour produire de l’électricité avec des barrages (seule production d’énergie électrique pérenne, pilotable et décarbonée avec le nucléaire).
Pour rappel historique, l’endiguement a été réalisé au XIXème siècle pour empêcher les rétentions de limons charriées par le fleuve au niveau des îles, des dépôts de limons qui réduisaient la navigabilité et augmentaient les risques d’inondation y compris pour la ville historique mal protégée par ses remparts.
D’autre part nous ne sommes pas sur un espace entièrement naturel, vide de population et d’activité économique. Environ 1000 personnes résident sur les îles Piot et Barthelasse, on y trouve environ 600 ha de terres agricoles cultivées (vergers, maraîchage) des activités de loisir (centre aéré, campings, stade, piscine)
Pour le président de l’ASCO Bernard CAPEAU la sécurisation des digues actuellement très dégradées (elles ont cédé en plusieurs endroits en 2003) leur rehaussement (de moins d’un mètre) et leur confortement doit permettre une véritable protection des habitations et cultures en deçà d’une crue décennale (vingtennale pour l’île Piot). Au delà, comme en 2002,2003 la Barthelasse continuera à remplir son rôle de champ d’expansion de crue. Pour B. CAPEAU ce sont les crues de courte durée (quelques heures parfois) notamment à l’occasion d’épisodes cévenol, relativement fréquents, qui en détruisant irrémédiablement les cultures, mettent en péril l’agriculture sur la Barthelasse dans un contexte économique très fragile. Le projet devrait permettre de sécuriser l’activité agricole sur l’île.
Bien entendu il ne s’agit pas de nier l’impact du projet sur l’environnement, impact sur la flore et la faune, impact sur le paysage, impact des travaux, autant d’impacts dénoncés par les associations opposées au projet. En effet le projet présenté à l’enquête publique prévoit la destruction de plusieurs kilomètres de ripisylve le long des berges, zone qui héberge des espèces végétales et animales à protéger (notamment l’emblématique castor) et des coupes d’arbres . Au regard de ces impacts négatifs sur l’environnement les auteurs du projet proposent des mesures compensatoires (création d’une nouvelle ripisylve, plantation d’arbres, végétalisation des digues, traitement paysager des berges, protection des espèces animales impactées etc…).
La MRAe a rendu son avis le 12 mars 2019 (la MRAe est constituée d’experts des services de la DREAL-PACA en concertation avec les services de l’ARS et du Préfet) :
– Elle confirme la nécessité d’améliorer la sécurité des îles Piot et Barthelasse contre les crues du Rhône.
– Elle formule 7 propositions pour améliorer le projet notamment en réduisant les impacts environnementaux identifiés
A l’issue de l’enquête publique les commissaires enquêteurs, en toute indépendance, ayant pris connaissance de tous les avis et remarques exprimés, formuleront leur propre avis. En dernier ressort c’est au préfet de décider de l’avenir du projet.
Pour ma part je ne prononcerai pas à la place des experts. Cependant d’un point de vue politique, je formulerai plusieurs remarques. La première c’est que la protection des personnes, de leur habitat, de leur activité (agricoles et autres) doit être prioritaire. Pour reprendre une formule connue : Pour moi c’est « l’humain d’abord ». Je refuse d’opposer, comme le font certains, l’homme et la nature, le castor et l’agriculteur, les peupliers et les poiriers. N’en déplaise aux écologistes libéraux ce n’est pas le cultivateur qui détruit la planète c’est le système capitaliste et sa course mortifère aux profits.
Si l’on dépasse les conflits liés aux usages (agriculteurs, promeneurs, touristes, résidents, occupants des péniches-habitat), si l’on considère que le statu quo n’est pas acceptable, si l’on considère que les activités humaines ne sont pas incompatibles avec la protection de l’environnement, alors ce projet, certainement amélioré avec les recommandations de la MEAe et celles des commissaires enquêteurs, doit se concrétiser.
Jean François Marin