Sur le pont camarade

LES HALLES D’AVIGNON

On a l’impression que les halles sont toujours un motif de préoccupation dans les villes. À peu près au même moment que celles de Paris, les halles d’Avignon ont été remplacées, durant le mandat de H. Duffaut par celles que connaissons aujourd’hui. C’est l’occasion de réfléchir au rôle des halles d’une ville et à leur devenir.

Qu’est-ce que des Halles ?

Halles de Paris au début du XIX ème qui déborde sur l’extérieur

Les Halles, comme tout le monde le sait, sont un marché couvert au centre des villes. À Avignon aujourd’hui comme à Paris dans le passé, situées en plein centre de la ville, les Halles ne sont pas seulement un marché, mais aussi un lieu de rencontre, un espace important de la vie sociale des villes. On ne fait pas seulement son marché aux Halles, on y rencontre les autres habitants de la ville, on s’y mêle à la foule de consommateurs, qui, ainsi, ne sont pas seulement des consommateurs mais des citoyens de la ville. Dans des Halles, le commerce n’est pas seulement une pratique de consommation : il st aussi une médiation économique et politique importante. En ce sens, il ne faut pas réduire les Halles d’une ville à un simple outil, il ne faut pas les envisager du seul point de vue de leur fonctionnalité, mais il s’agit d’une figure culturelle des villes. C’est ce qui permet de comprendre qu’il est essentiel de penser leur dimension esthétique et leur impact sur la vie sociale du quartier dans lequel elles se situent.

L’évolution des sites de halles et celle de l’économie des villes

Les Halles des centres urbains ont été souvent détruites dans le cadre d’une transformation à la fois de l’aménagement des centres et des pratiques du commerce des villes –notamment du commerce d’alimentation. Les Halles situées au centre des villes comme Avignon ont été détruites pour plusieurs raisons. D’abord, bien sûr, il s’agissait d’opérations financières : la destruction des Halles a constitué une importante source de profit pour des entreprises de travaux publics, pour des bureaux d’études architecturales, mais aussi pour les entreprises commerciales qui étaient les partenaires des villes et qui ont pu monnayer, ainsi, la transformation de leur activité. Par ailleurs, la destruction des Halles a constitué une illusion économique importante de prospérité et de dynamisme. En détruisant les Halles des centres et en engageant une politique de transformation de leurs sites, les municipalités donnaient l’illusion d’une activité et d’un dynamisme susceptibles de leur permettre de recueillir l’adhésion des habitants concernés. Mais, au-delà, c’est toute l’économie des villes qui donne une signification à la destruction des Halles : ce sont désormais des grandes entreprises et des acteurs financiers qui dominent l’économie urbaine, succédant ainsi aux acteurs économiques des Halles classiques. Enfin, sans doute peut-on mieux comprendre cette évolution des sites des Halles en l’inscrivant dans une évolution plus générale de l’organisation des transports urbains et de la circulation dans les villes.

Les Halles et les grandes surfaces à la périphérie des villes

La transformation des Halles va de pair avec l’exil des commerces dans les grandes aires commerciales et les supermarchés des périphéries. Les commerces ont été chassés des centres pour aller s’installer dans de grands espaces situés dans les périphéries. Encore faut-il bien comprendre qu’à Avignon, cette évolution n’a pas été accompagnée d’une véritable dynamisation des espaces périphériques, qui ne sont toujours pas habités, qui ne sont toujours pas aménagés avec un réel souci esthétique et architectural, qui ne sont toujours pas desservis par des moyens de transport en commun assez efficaces pour donner une énergie réelle aux nouveaux lieux des commerces et des échanges. Alors que les Halles bénéficiaient du dynamisme et de la vitalité des centres urbains et leur donnaient un dynamisme accru, les espaces commerciaux des périphéries ont perdu cette dynamique sans éveiller pour autant une véritable centralité dans les centres dans lesquels elles se situent, comme Avignon-Nord-Le Pontet ou les espaces du sud d’Avignon. L’aménagement des périphéries n’en est pas vraiment un, mais se réduit à une accumulation d’espaces commerciaux sans logique et sans signification.

Les Halles d’Avignon aujourd’hui

À Avignon, les Halles ont été remplacées, au même endroit par de nouvelles Halles, construites, sous la municipalité Duffaut, de 1965 à 1974, à peu près à la même époque que la destruction de celles de Paris, remplacées par un centre commercial. Que signifie cette transformation ? On peut donner trois grandes significations à l’aménagement contemporain des Halles d’Avignon. D’abord, il s’agit d’un enfermement des Halles dans une construction close. Les Halles et les échanges qui s’y déroulent ne sont plus en plein air, ils ne sont plus ouverts, mais ils sont situés dans un espace clos aux regards de l’extérieur, sans lien réel avec la sociabilité urbaine. Par ailleurs, les Halles d’Avignon d’aujourd’hui n’ont pas de lien réel avec le quartier dans lequel elles se situent : elles n’ont pas suscité une véritable dynamique d’habitation dans le quartier, elles n’ont pas créé un quartier réel. Enfin, les Halles ont beau être décorées d’un mur végétal qui semble artificiel, elles ne sont pas animées par une réelle dynamique esthétique. Sans doute serait-il important que les villes pensent leur aménagement dans une logique de plaisir visuel autant que dans une simple logique fonctionnelle, utilitariste.Les Halles représentent, pour l’urbanisme, une triple exigence liée à l’aménagement des centres, liée à l’habitation des villes et à la planification du développement des villes dans le futur. C’est à cela que doit répondre, aujourd’hui, la politique des villes comme celle d’Avignon, et, ainsi, en finir avec l’urbanisme des années 70 qui nous a laissé les Halles d’aujourd’hui. Il n s’agit pas seulement d’un changement de la politique des municipalités, il s’agit d’une autre conception des villes et de l’habitat, notamment pour en finir avec ce symptôme de plus de la ségrégation entre centres et périphéries.

Bernard L.

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