Le thème du travail lancé par F. ROUSSEL durant la campagne des élections présidentielles, est devenu d’une brûlante actualité avec la bataille contre la réforme des retraites MACRON. Chaque camp s’en est emparé pour marquer sa différence. Le travail, sa définition, sa réalité, son vécu, sa perception sont devenus de véritables marqueurs du débat actuel. Il s’agit, ne nous y trompons pas, d’un véritable enjeu de société.
La droite et les forces du capital l’ont bien compris en s’emparant du thème pour le réduire à un simple paramètre économique et à une polémique absurde : La valeur travail serait de droite contrairement à la gauche qui serait porteuse de la valeur « paresse ». Évidemment les médias au service des puissances d’argent (soit la quasi-totalité des chaînes de télévision et des radios) relaient cette affirmation complètement stupide. On peut regretter que certaines voix, à gauche, largement diffusées (et pour cause !) aient apporté de l’eau au moulin de cette propagande réactionnaire.
Alors développons le sujet en rappelant tout d’abord quelques définitions et concepts relatifs au travail :
1 er / – Le travail n’est ni de gauche ni de droite.
Le travail n’est pas une valeur ou une qualité non innée développée par l’homme comme « les valeurs de la république : liberté, égalité, fraternité » comme la démocratie, comme la non violence. Au contraire le travail est consubstantiel à l’homme, il est constitutif de l’essence humaine. K. MARX. L’homme et le travail ne font qu’un. C’est pour la plupart des philosophes ce qui le différencie des autres espèces animales. Par exemple BERGSON définit l’homo Faber comme étant celui qui utilise et fabrique des outils. Depuis le début de son apparition sur la terre l’homme a effectué des travaux pour moins subir les aléas de la nature, pour améliorer ses conditions de vie mais aussi pour acquérir de nouvelles connaissances , s’émanciper, s’enrichir personnellement par le savoir , l’échange , l’expérience.
2iéme/ – Au cours des siècles le travail est devenu une valeur d’échange.
L’acquisition d’une marchandise, d’un service et bien sûr d’argent en échange d’un travail s’est développée progressivement. En conséquence à chaque travail (à l’exclusion du servage ou de l’esclavage) a correspondu une valeur mesurable (la valeur est ici synonyme de ‘combien ça vaut’). La valeur du travail s’est ensuite transformée dans la société capitaliste en coût du travail.
3ème/ – Avec l’avènement du capitalisme la ‘valeur d’échange travail ‘ est devenue elle-même une marchandise.
Le capitaliste, celui qui possède les outils de production et la finance, achète (le moins cher possible) la marchandise ‘ ma force de travail’ vendue par le travailleur afin de réaliser par le mécanisme de la plus value (K. MARX) un profit. La relation entre le travailleur et le patron est dite de subordination dans laquelle c’est le second qui, en dernier ressort, décide de la rémunération, du poste de travail, du temps de travail, des conditions et des objectifs à réaliser. Bien entendu cette relation aliénante, totalement déséquilibrée est source de conflit d’où la lutte des classes.
Ce résumé très (trop) rapide des différentes définitions et approches du travail doit nous permettre de parler le même langage avec les mêmes références.. Par exemple le travailleur ‘ubérisé’ vend sa force de travail à la plateforme qui réalise de juteux profits d’autant plus qu’il n’est pas salarié avec les droits qui s’y rattachent. C’est une nouvelle étape du rapport entre le travailleur et son employeur encore plus au détriment du premier.
On voit bien à la lecture des points précédents que la ‘valeur travail ‘ défendue et revendiquée par les possédants, par la droite et ses communicants ne concerne que le mode de production et de relation capitaliste. Il ne concerne surtout que les travailleurs (celui qui est productif, obéissant et pas cher) mais en aucun cas leur propre relation au travail qui échappe aux règles imposées aux premiers. En effet l’objectif unique du capitalisme étant l’accumulation de richesse sous forme de biens mobiliers et immobiliers, d’actions, le résultat final de cet accaparement consiste, pour reprendre la célèbre formule, à s’enrichir en dormant. On est bien loin de la valeur travail revendiquée par la droite.
Dernière supercherie à la mode médiatique : La paresse serait la valeur suprême qui caractériserait la gauche et expliquerait son opposition à la réforme des retraites. Sautant sur la formule de P.LAFARGUE le gendre de K.MARX affirmant « Le droit à la paresse. » formule évoquée hors contexte par certain, elle fustige la gauche ennemie du travail. Sauf que le droit revendiqué par P. LAFARGUE (par analogie au droit au bonheur de ST JUST) et par la gauche en général est le droit au repos, aux congés payés, aux loisirs. Autant de droits que la droite à toujours combattus.
Ce débat sur le travail n’arrive pas par hasard, avec le conflit sur les retraites bien sûr, mais aussi avec le phénomène ‘post covid’ de remise en cause du travail subi, mal rémunéré, de la perte de sens et de motivation vécue par beaucoup de salariés et notamment par les jeunes. Ce phénomène inquiète les possédants et leurs serviteurs. Est –t-il étonnant ? Les communistes ne sont pas surpris puisqu’ils savent qu’avec le mode de production capitaliste et son unique finalité le profit, le travailleur, comme le décrit K. MARX : « … se trouve dépossédé de sa propre réalité, il devient étranger à lui-même ». C’est ce processus, cette perte de sens, qui conduit aux nombreuses démissions dans les entreprises.
A partir de ces analyses, de ces constats, de ces repères théoriques validés par l’actualité, la gauche en général, les communistes en particulier doivent, en vue d’un nouveau projet de société, d’un programme, proposer une conception moderne du travail libéré du carcan du mode de production capitaliste et des rapports sociaux qu’il induit. Nous ne partons pas de rien. Les propositions sur la sécurisation des parcours emploi-formation, la nouvelle définition du travail élaborée par B. FRIOT, les droits nouveaux pour les travailleurs dans les entreprises qui pourront intervenir afin de modifier les conditions de travail, les rémunérations, les objectifs de production mais aussi le secteur coopératif, les réflexions sur la production de marchandises utiles et durables dans un cadre environnemental acceptable sont autant de pistes à explorer, à développer, à mettre en débat.
Jean-François MARIN