L’assassinat de mon fils Camille, victime collatérale du trafic de drogue qui gangrène les cités populaires d’AVIGNON, ne me donne aucune légitimité particulière pour rédiger un article sur la délinquance, les trafics, l’insécurité, la violence, les politiques sécuritaires, les violences policières. Il se trouve que j’avais précédemment produit, sur ce même site, deux articles sur ces sujets. Un, avec J.L Bourgue, fin 2022, à la suite, déjà, de fusillades et de morts liés au trafic de drogue à St Chamand et Monclar, un autre, consécutif au meurtre en 2021 du policier Eric Masson en plein centre ville.
Les réflexions et analyses contenues dans ces articles sont, me semble t-il, toujours justes au regard des évènements plus récents avec notamment le meurtre de Nael et les émeutes qui ont suivi. Il s’agit, davantage encore aujourd’hui, d’un véritable enjeu de société avec des conséquences, sur les plans politiques et sociétaux, qui peuvent être dramatiques dans un proche avenir.Alors comme je l’ai fait en direct à F. Roussel à l’occasion de sa venue à la fête de la Marseillaise je vous livre mon point de vue actualisé.
La gauche a toujours été mal à l’aise pour aborder les sujets de la délinquance, de la violence et du rôle de l’Etat sur le plan de la sécurité et des sanctions. Conséquence, elle a été souvent absente du débat pour le plus grand bonheur de la droite et de l’extrême droite qui ont pu, sans contradiction, imposer leurs solutions simplistes, inefficaces, injustes, dangereuses pour nos libertés, mais payantes sur le plan électoral.
Posons d’abord un constat. La violence, les trafics, la délinquance, la corruption, sont des phénomènes consubstantiels au capitalisme. Les États-Unis, pays comparable au nôtre, avec ses particularités (armes en vente libre par exemple) est celui où il y a le plus de violence, de crimes, d’assassinats, y compris de policiers, de trafics. La drogue sous toutes ses formes est un véritable fléau national, les gangs pullulent. Et pourtant, c’est aussi le pays où les politiques sécuritaires sont implacables, la sévérité des tribunaux extrême (plus de 2 millions de personnes en prison, record mondial par rapport à la population), la peine de mort appliquée dans certains états. La police états-unienne, aux effectifs pléthoriques, disposent de moyens et de pouvoir considérables ainsi que d’une impunité quasi absolue (actuellement contestée par une large partie de la population). C’est ce modèle que la droite et l’extrême droite française voudraient pour notre pays, c’est leur programme.Il est pourtant évident que pauvreté, inégalité, exclusion, racisme, ghettoïsation, recul des services publics, sont le terrain fertile de la violence et de la délinquance. Sauf, bien entendu, pour la droite et l’extrême droite qui considèrent que tout cela n’est que victimisation. Supprimer les aides sociales aux familles quand l’un des leurs est délinquant, voilà la grande trouvaille des Ciotti Le Pen et cie ! Ainsi on punit toute la famille et on les plonge dans la misère extrême. Qui peut croire que de telles mesures vont faire reculer la délinquance ? Eux –même n’y croient pas, mais qu’importe si ça fait gagner des élections.
Malheureusement, lorsque ces constats irréfutables sont établis, si les seules solutions proposées par la gauche à la population c’est d’attendre, avec les prochaines élections, la fin des gouvernements de droite et du capitalisme, ne nous étonnons pas que le vote LE PEN gonfle de jour en jour. A St Chamand ou à Monclar, aussi, on veut vivre, travailler, élever ses enfants en toute sécurité sans être confronté quotidiennement à la violence et aux trafics et on le veut maintenant.
Le combat contre les violences policières, légitime et nécessaire, ne doit pas se réduire à des manifestations avec des slogans simplistes et réducteurs du type : « La police tue ! » (elle peut aussi tuer pour sauver des vies comme au Bataclan, à l’Hyper cascher) ou : « Tout le monde déteste la police ! » ( la police recueille plus de 70% d’opinion favorable). Une fois encore en suscitant l’incompréhension d’une très grande majorité de la population, on offre un boulevard à l’extrême droite. De même, assimiler les justes réactions d’indignation et de colère après le meurtre de Nael avec la destruction d’édifices publics et le pillage de magasins, revient à justifier ces injustifiables débordements. A cet égard la déclaration de J.L. Mélenchon appelant à ne pas détruire les écoles et les installations sportives, sous entendu (en tout cas pouvant être perçu ainsi) vous pouvez continuer à détruire les banques et les commerces est surprenante de la part d’un homme politique aussi expérimenté.
J’ai modestement suggéré à F. Roussel que le PCF devait être beaucoup plus offensif sur ces sujets. D’abord en faisant le constat accablant de l’échec des politiques sécuritaires, uniquement sécuritaires, menées depuis des décennies de Pasqua à Darmanin en passant par Sarkozy, malgré une multitude de lois plus répressives adoptées et l’augmentation exponentielle des moyens accordés à la police (y compris sur le plan des rémunérations). Si l’on reprend les discours de la droite dite républicaine et extrême sur le développement de la criminalité et de la violence dans notre société, c’est bien un aveu d’échec de leur part puisque ce sont eux qui sont aux commandes de l’État durant toute cette période (la présidence Hollande et les attentats terroristes n’ont pas, évidemment, fait évoluer le débat). C’est donc bien la faillite de leur politique uniquement centrée sur le répressif.
Ensuite, nous avons des propositions concrètes : « Une police de proximité formée, présente sur le terrain, au service de la population, une politique de prévention et d’accompagnement des jeunes et de leur famille, un retour massif des services publics dans les quartiers abandonnés, un soutien scolaire généralisé, des offres culturelles, sportives et de loisir en nombre et une lutte résolue contre le racisme et les discriminations ». Pour obtenir des résultats il faut des investissements en argent et en moyens humains très importants. C’est le choix de l’efficacité à l’opposé de celui de la posture et de la démagogie. Rien ne sera facile mais ce sont les seules vraies solutions.
Alors ne laissons plus la droite, son extrême et les syndicats de police fascisants, diffuser leurs discours de haine de classe et de race. Ne les laissons plus occuper sans contradiction le terrain des idées et des solutions. Les leurs sont dangereuses et totalement inefficaces. Dans quel pays dirigé par l’extrême droite (Italie, Pologne, Hongrie, Turquie, Inde, les USA de Trump, la Russie de Poutine, le Brésil de Bolsonaro, Colombie, Honduras, Philippines) la violence, les crimes et délits ont-ils reculé ? Aucun !
La gauche doit devenir audible sur ces questions et démontrer que c’est elle et seulement elle qui propose des solutions justes, réalistes et surtout efficaces. Mais ce combat de la sécurité et du bien vivre ne sera gagné que s’il est conduit d’abord par les habitants eux –même. Il existe déjà une multitude d’associations prête à le mener, c’est à elles qu’il faut s’adresser en premier et les convaincre. Marx nous dit que l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, il en est de même pour les habitants des territoires abandonnés.
MARIN Jean-François