Sur le pont camarade

La LEO : les termes du débat

Le 5 janvier dernier, Castex, premier ministre de la France signait un « accord régional de relance » avec le président de la Région PACA : Muselier (LR).

https://www.banquedesterritoires.fr/toulon-jean-castex-signe-le-tout-premier-accord-regional-de-relance

Ce plan Etat-Région relançait à hauteur de 143 millions la poursuite du chantier de la LEO dont la première tranche a été finalisée en 2011. Cet argent doit permettre de réaliser la tranche 2.

Alors quels sont les termes du débat ?

Nous vous proposons de déchiffrer les clés qui nous permettront de mesurer les enjeux qui se posent ici.

La situation géographique.

Le Vaucluse se situe à un carrefour stratégique d’une route qui emprunte le couloir rhodanien vers l’Est de la France et l’Ile de France au Nord et qui relie au Nord de l’Italie à l’Est et à l’Espagne à l’Ouest.

Carte des autoroutes du Sud de la France

Le réseau autoroutier présente la particularité d’une jonction A7-A9 au niveau d’Orange, c’est à dire bien au-dessus de la Ville-Préfecture.

On suppose qu’à l’époque les viticulteurs de Châteauneuf-du-Pape ont pesé de tout leur poids pour que éviter que cette jonction se concrétise sur leur vignoble.

Quand on vient de Cavaillon pour aller vers Nîmes, on peut rejoindre l’A 9, à Orange à condition de sortir de l’A7 et de rejoindre l’A9 en passant par le rond point de la ville.

Ce nœud autoroutier est incomplet : il est par exemple impossible de passer de l’A9 à l’A7 pour aller de Nîmes à Cavaillon. Il faut alors sortir de l’A9 à Remoulins et passer par Avignon dans la ville pour rejoindre la cité Cavare.

Ce nœud est aussi financé dans le plan de relance.

C’est donc dans le Vaucluse que s’installe un grand nombre d’entreprises logistiques, grandes consommatrices de foncier, le plus souvent agricole. Elles y construisent des hangars géants qui se mètrent en hectares. Des projets de la sorte sont programmés aux Hauts Banquets à Cavaillon, à Fournès (pour un entrepôt Amazon) ou ont vu le jour avec un super MIN à Châteaurenard par exemple.

A noter, qu’un projet de la sorte était programmé par l’agglomération Grand Avignon : l’extension du Plan à Entraigues sur 127 hectares. Ce projet est en suspens. Les engagements pris sur cette zone en réduiraient fortement l’impact et empêcheraient des entreprises de logistiques de s’y installer.

La Rocade : une avenue Charles de Gaulle saturée.

C’est un grand nombre de camions (sur 45 000 véhicules, chiffre de 2003) qui empruntent chaque jour la route d’Avignon et particulièrement la Rocade, deux fois deux voies, qui passent en pied d’immeubles et asphyxient 15 000 habitants.

Les riverains de cette voie ne peuvent ouvrir la fenêtre une journée d’été sans avoir à laver leur rideau le soir même. A la bibliothèque Jean-Louis Barrault, les livres de la réserve présentent une fine couche de suie.

Les problèmes sanitaires sont avérés.

Bilan de l’air en Vaucluse- NO2 ATMO PACA 2008

La Commission Nationale du Débat Public a déjà traité des cas semblables. Les documents produits par exemple pour le cas toulousain sont éclairants.

https://cpdp.debatpublic.fr/cpdp-contournement-toulouse/docs/contributions/scheffer-pollution-impact-.pdf

Une circulation de déport envahissante

L’avenue du Général De Gaulle dit Rocade est donc devenue une autoroute urbaine dont l’embolie due aux camions a un impact sur tout le reste de la ville.

Une importante circulation de déport traverse la ville le long des remparts, par les 4 boulevards mais aussi par des itinéraires plus inattendus comme l’avenue des Deux Routes. L’impression de congestion totale de la ville a fortement augmenté depuis la construction du tram et les aménagements dédiés aux transports urbains qui se sont fait au dépend de la voiture (et c’est heureux).

Sur le Boulevard Sixte Isnard un soir quelconque en semaine à 17h
Avenue des Deux Routes,17h55 le même soir de semaine

La LEO comme solution ?

La liaison d’Est Ouest est sensée traiter ce problème. C’est un vieux projet de contournement d’Avignon, déclarée d’utilité publique en 2003 et dont la première tranche, entre Courtine et l’échangeur de Rognonas a été déjà réalisée en 2010.

carte de 2003 http://www.vaucluse.gouv.fr/IMG/pdf/note_de_presentation-2.pdf

Ce contournement a toujours rencontré des oppositions notamment en raison de son impact sur des terres agricoles très riches et fertiles sur la tranche 2. Ainsi, sur les 41 hectares expropriés par le maître d’ouvrage 21.2 hectares sont des terres agricoles.

Ce foncier est déjà acquis par la DREAL.

Certains craignent que la LEO annonce une urbanisation de la ceinture verte ainsi coupée en deux. Le Projet d’Aménagement et du Développement Durable (PADD) qui donne les orientations politiques au Plan Local d’Urbanisme (PLU) est pourtant clair sur sa volonté de préserver au maximum la ceinture verte.

Nous ne comptions plus sur la LEO.

L’Autorité Environnementale ayant rendu en juillet 2020 un avis défavorable au sujet de la tranche 2 de la LEO : elle pointait surtout le fait que les normes environnementales ayant évolué ces 20 dernières années, un projet dont le dossier avait été déposé en 2002 ne pouvait plus remplir les critères fixés aujourd’hui. Le dossier se devait d’être entièrement repris.

http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/200722_leo_84_delibere_cle7a4112.pdf

Cette notification avait alors motivé la prise d’un arrêté interdisant la circulation des Poids Lourds sur la Rocade par Cécile Helle, maire d’Avignon et alors candidate à sa succession.

Cet arrêté avait peu de chance d’aboutir. La Rocade est en effet une voie de gabarit national reliant deux départements. Ce type de voies dépend, non pas des municipalités mais des préfectures.

C’était alors un moyen de renvoyer la balle dans le camp du préfet et donc de l’État : c’était à lui de prendre les mesures qui s’imposent pour protéger les habitants de la ville d’Avignon.

https://www.francebleu.fr/infos/transports/le-prefet-de-vaucluse-ne-valide-pas-l-arrete-d-interdiction-de-circulation-des-camions-sur-la-rocade-1576770006

Les mesures soutenues pendant la campagne municipale par Cécile Helle et son équipe (parmi laquelle nous étions) étaient de demander le raccordement de l’A7 à l’A9 et la gratuité aux échangeurs d’Avignon Nord et Avignon Sud ainsi que le raccordement du tronçon 1 jusqu’à l’échangeur de Châteaurenard.

L’idée était ensuite d’interdire la Rocade aux camions hormis à la desserte locale.

Ces propositions ont deux points faibles :

Il est difficile de faire la différence entre un camion en transit et un camion qui fait de la desserte locale. Le MIN d’Avignon est-il une destination de transit ? La zone d’Avignon Nord, plus grande zone commerciale d’Europe au nombre d’habitants, sera t’elle considérée par les chauffeurs routiers comme une desserte locale ? La zone industrielle entre Le Pontet et Sorgues : desserte locale ou pas ?

Un autre défaut de ces propositions, c’est qu’il y a un “gisement” interne de transit à Avignon : la zone de fret ferroviaire de la SNCF à Champfleury. Cette zone est appelée à croître puisque la Compagnie Nationale du Rhône qui aménage le fleuve pour le compte de l’État, a le projet d’un port multimodal à proximité.

Les points saillants du dossier :

La LEO débouche sur le Rond Point de l’Amandier, pour rejoindre la Route de Marseille avec le MIN d’Avignon et d’un parc urbain à connotation sportive d’une part et une zone commerciale d’autre part.

Ce rond point est très emprunté et il est à craindre que la circulation route de Marseille empire. Cette situation empêchera un effet rebond que l’amélioration générale de la circulation permettrait.

Autre particularité du dossier : la tranche 3 n’est pas pour demain.

Il n’y a pas le début d’un investissement mis à cet égard. Le franchissement du Rhône devrait se faire sous concession avec un pont à péage sur le Rhône. Mais il n’y a aujourd’hui aucun candidat prêt à mettre 216 millions pour construire un pont sur le Rhône.

Depuis 2003, un problème de transit accru

Alors que l’industrie manufacturière (et donc la production locale) a périclité ces 25 dernières années, passée par perte et profit sur l’autel du libre échange, l’exportation depuis l’Asie notamment n’a cessé de croître. Il a donc fallu adapter le réseau logistique.

Hélas, l’ouverture à la concurrence du marché du fret ferroviaire en 2006 s’est traduite par une nette diminution de celui-ci dans la part de transports de marchandises. Ouverture à la concurrence dénoncée en son temps par le PCF.

Concomitamment, le gouvernement Villepin privatisait les autoroutes dans un le cadre d’une concession archi-rentable pour les sociétés concessionnaires privant la force publique d’un levier d’action supplémentaire, obligeant à des négociations pénibles avec un acteur privé pour réclamer la gratuité des péages à Avignon Nord et Sud.

https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/autoroutes-un-rapport-du-senat-pointe-la-rentabilite-hors-normes-de-40

La LEO : un serpent de mer.

En fonction du bon vouloir de l’État, la LEO est régulièrement enterrée pour mieux renaître de ses cendres quelques années après. Elle est présentée comme la solution pour protéger les habitants de la pollution automobile mais est sabordée au moindre signe de rigueur budgétaire.

Pour le PCF, l’Humain d’Abord :

En tout état de cause, la santé des habitants doit être notre boussole et notre priorité.

On ne peut pas remettre à plus tard des solutions pour les riverains de la Rocade.

La LEO n’en reste pas moins un outil insuffisant.

  • Il faut développer les transports en commun. 116 000 déplacements jour se font entre deux communes du Grand Avignon en voiture pour une agglomération de 200 000 habitants. Il faut des alternatives à la voiture !
  • Il faut profiter de la LEO pour regagner de la place pour les modes doux sur des voies jusqu’ici dédiées à la voiture. Cela empêchera un effet “rebond”.
  • Il faut sacraliser les terres agricoles de la Ceinture Verte en les classant zone agricole protégée au prochain Plan Local d’Urbanisme.
https://cpdp.debatpublic.fr/cpdp-contournement-toulouse/docs/contributions/scheffer-pollution-impact-.pdf

3 réflexions au sujet de “La LEO : les termes du débat”

  1. Voilà un compte rendu qui permet d’avoir une vision globale du problème. Tout à fait d’accord avec la préoccupation prioritaire de la santé des riverains.

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  2. Un article particulièrement clair qui expose l’ensemble des enjeux. La santé et le bien être des populations ce doit être la priorité.

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