Petit traité sur le marché de l’attention.
Je vous le dis : le développement des réseaux sociaux et l’importance qu’ils prennent dans nos vies m’inquiètent. Je ne sais d’ailleurs pas si , collectivement, nous aurions pu supporter le confinement sans la possibilité de nous enfermer dans nos bulles numériques.
Il y a là un basculement anthropologique tant le numérique bouscule nos habitudes de vie et transforme nos comportements et les relations que nous avons les uns aux autres.
Le petit traité sur le marché de l’attention de Bruno Patino est éclairant à ce sujet. Il illustre son livre d’un poisson rouge dont Google aurait réussi à calculer le temps d’attention réel : 8 secondes. L’animal est si peu développé, son attention si réduite, qu’il découvre un monde nouveau à chaque tour de bocal. Cette même société a également mesurer le temps d’attention des Millennials, ceux nés avec une connexion internet dans les mains. Celui-ci est de 9 secondes.
Alors sachez-le, au-delà de trente minutes sur les réseaux sociaux, votre santé mentale est menacée. Aujourd’hui, les jeunes Américains passent 8 heures quotidiennes sur l’ensemble des écrans connectés. Et nous ?
Une addiction aux écrans s’est développée.
Disons plutôt qu’elle a été programmée. Les algorithmes, régissant nos programmes préférés s’inspirent des sciences du comportement utilisées dans l’industrie du jeu : plus le résultat est aléatoire, plus nous avons tendance à y revenir. L’algorithme Tinder par exemple utilise cette technique en panachant les profils qu’il vous laisse voir entre des matchs potentiels et des rencontres improbables.
L’effet « Zeigarnik » est également utilisé. Cette psychologue russe pose le cadre théorique de la complétude en 1929 c’est à dire proposer un ensemble d’actions comme étant liées et devant être enchaînées sans pause et pousser le sujet à ne ressentir de la satisfaction qu’à la fin de la série en lui faisant oublier son libre arbitre : vous aussi vous avez enchaîné les épisodes d’une série sur Netflix ? Ce n’est pas un hasard.
La théorie de l’expérience optimale est, elle, employée par les plate-formes qui vous proposent des jeux réglés sur l’exact capacité du joueur : ni trop facile, ni surtout trop difficile, le jeu doit pouvoir être automatique et présenter un environnement protecteur. Candy crush, ça vous dit quelque chose ?
Toutes les techniques comportementales employées forment aujourd’hui ce que B.J. Fogg appelle la « captologie », art de capter votre attention, pour ou contre votre volonté. Cette « science » est inspirée du comportement des adolescents, tournées vers la compétition mais préférant un cadre de jeu protecteur, isolé de la vraie vie.
B.J. Fogg dirige le Persuative Technology Lab. Nom tout de même très évocateur. Il y enseigne la captologie.
Ce livre de 165 pages est très riches. Je ne vous en divulgâche pas plus le contenu et vous invite à le lire. Je vous livre cependant en guise de conclusion l’addendum, effrayant dans ce qu’il laisse entrevoir :
Selon l’Association française du poisson rouge (elle existe) le poisson rouge est fait pour vivre « en bande » entre 20 et 30 ans, et peut atteindre 20 centimètres. Le bocal a atrophié l’espèce, en a accéléré la mortalité et détruit la socialité.
JDB