Sur le pont camarade

Intervention devant le monument à la Mémoire des Cheminots d’Avignon victime du nazisme morts pour la France.

Le 27 mai, est la journée nationale de la Résistance, l’occasion de célébrer ceux qui dans la défaite ont su relevé la tête et affronter la barbarie nazie. A Avignon, se seront principalement les cheminots qui résisteront. Les principaux faits d’armes de la résistance ont pour théâtre les Rotondes toute proche dès la fin 42 (la zone libre est envahi le 11 novembre 42). Le premier acte de sabotage a lieu en janvier 43 par la destruction de têtes de bielle de plusieurs locomotive, puis le 7 mars pour commémorer Pierre Sémard assassiné un an plutôt, cheminot, syndicaliste et communiste par le sabotage par explosif de ponts tournants.

Je n’énumérerai pas tous les hauts faits d’armes des FTP liés aux cheminots, ils sont trop nombreux.

J’évoquerai tout de même cette nuit du 19 février 44 où, pour ralentir l’acheminement de matériel destiné à soutenir une vaste offensive allemande au nord de l’Italie plus de 17 locomotives seront plastiqués.

Si pour une telle action, les complicités cheminotes sont obligatoires, c’est toute la résistance vauclusienne qui y est impliqué, des Groupes Francs au Maquis du Ventoux qui sert de base arrière, en passant par le président du tribunal civil de Carpentras (je le mentionne parce qu’il n’y a pas eu beaucoup de magistrats résistants) qui fournit les clefs d’un appartement où se tiendront les réunions.

C’est dans ces combats que nait en 1943 le Conseil National de Résistance dont nous célébrons la création aujourd’hui aussi.

Il réunit huit mouvements de Résistance, six partis politiques et deux centrales syndicales, qui rédigeront le programme des Jours Heureux.

Les Jours Heureux comprend des avancées sociales, économiques et politiques majeures, complétant les conquêtes, quelques années plus tôt, du Front populaire : le droit de vote des femmes, la Sécurité sociale est inventée tout comme notre système de retraite par répartition, les nationalisations des secteurs de l’énergie, du transport de la banque ainsi que la Banque de France. Le droit à l’éducation et à la culture pour tous est pensé.

Ce programme est appliqué dans l’immédiat après guerre.

Il n’aura pas rendu vain le sacrifice de ces résistants :

Gaullistes, militaires et hommes blessés de voir la nation abaissée, vendue aux ambitions d’idéologues lointains ;

Hommes de foi qui ne pouvaient supporter le traitement infligé à des hommes, des femmes, fils et filles de Dieu selon leurs conceptions ;

Communistes, antifascistes résolus qui avaient refusé le putsch de Franco ou la capitulation de Munich, déterminés à défendre la classe ouvrière et le bonheur commun.

De nombreux jeunes, hommes et femmes, de toutes confessions, politiques, religieuses ou syndicales, se mobilisent, prêts à en découdre, les armes à la main.

Parmi eux, des combattants d’origine étrangère, recrutés au sein des FTP MOI comme le poète arménien Missak Manouchian, prêts à sacrifier leur vie pour leur pays d’accueil, au nom d’un idéal partagé, celui de la liberté et de la République. Avec ses camarades, ils sont fusillés le 21 février 1944. Ils sont l’orgueil de notre peuple qui ne plie pas devant l’abominable.

Cette journée rend hommage, aussi, à toutes celles et ceux qui ont combattu et à celles et ceux morts durant cette guerre. Dans la froideur des chiffres, entre 50 à 70 millions de personnes sont mortes, soit plus de 2% de la population mondiale, selon l’estimation la plus répandue.Le paroxysme de la barbarie est atteint quand tuer l’ennemi ne suffit plus. Il faut l’exterminer, le rayer de la carte, au nom d’une insupportable théorie de la race supérieure et de la préférence nationale. Dans les camps de la mort du régime nazi, l’horreur se répand sans limites, au service d’une obsession démente : l’anéantissement des juifs d’Europe. La haine de l’autre, le refus de la différence nourrissent une bête immonde jamais rassasiée. Parce qu’ils sont juifs, tziganes, communistes, syndicalistes, socialistes, résistants, homosexuels ou handicapés, des hommes, des femmes, des enfants font figure de parasites à éliminer.

Cette actualité de la Résistance est tellement vivante.

Il nous importe d’en raconter l’histoire pour ne pas laisser celle-ci entre les mains de falsificateurs, comme celles d’Aimé Autrand qui comme par magie devient correspondant du Comité d’histoire de la seconde guerre mondiale dans les années 1965-1970 alors qu’il était ancien chef de la division des étrangers et des juifs à la préfecture du Vaucluse pendant l’occupation. Cet homme qu’Isaac Lewendel, auteur du livre «Un hiver en Provence», aux éditions de l’Aube, présente comme un petit Papon, donne aujourd’hui encore son nom à une rue de notre ville. Nous participerons à une campagne pour rebaptiser cette rue.

Mais falsificateurs également, nos derniers présidents de la République qui s’en sont réclamés, pour mieux en abattre l’héritage. Je pense évidemment à Emmanuel Macron qui évoque les Jours Heureux tout en octroyant des prêts garantis d’État à des grandes entreprises sans même leur demander de contrepartie. Je parle bien sûr de Renault, saisi et nationalisé au lendemain de la guerre pour étroite collaboration avec l’ennemi. Renault menace de fermer la moitié de ses usines françaises alors qu’elle vient de recevoir un prêt garanti par l’État de 5 milliards d’euros !

A l’heure où tout le monde s’interroge sur les moyens de reconstruire nos pays, mis à l’arrêt par la pandémie. Car cette pandémie que nous continuons d’affronter, dans toutes sa brutalité, met elle aussi au cœur du débat le choix de société dans lequel nous voulons vivre, en portant l’exigence de traiter en profondeur les racines du mal. Elle révèle au grand jour les conséquences de ce modèle économique sur nos vies ; un modèle dédié à la finance qui a misé sur la course au profit, l’exploitation des êtres humains, des ressources naturelles, choisissant d’affaiblir le rôle des États et de ses services publics.

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