Sur le pont camarade

Un EHPAD : comment ça marche ?

Il y a maintenant deux ans notre cellule PCF/ Front de Gauche de Morières se battait pour pour une gestion publique de l’EHPAD de Morières. Nos militants morièrois constataient que «  les très nombreuses publications sur le sujet font toutes le même constat. Les gestions publiques de maison de retraite proposent des tarifs de journée plus accessibles et de meilleurs ratios de personnel/ résidents que ses concurrents du privés » Cette bataille a été perdue au dépend des citoyens et au profit de Coallia Solidaire.

Alors un EHPAD, comment ça marche ?

Fab Tenace, ancien directeur d’EHPAD nous l’explique ainsi :

« Il y a 2 postes budgétaires principaux en Ehpad:
1) Les soins, constitués des salaires des Infirmières, du médecin-coordinateur et des aides soignantes et ce à des pourcentages divers de prise en charge par l’argent public (100% pour les médecins et les infirmières et 75 pour les aides-soignantes par exemple) […]

2) L’hébergement qui inclue tous les autres salaires (administratif, restauration, animation, Ash, etc.) Ici, aucun financement public.

Il existe également un troisième secteur faisant l’objet d’un enjeu fort, c’est la dépendance.
Les frais inhérents exclus du financement public global (comme les protections incontinence par exemple) seront facturés aux résidents et aux familles qui à leur tour peuvent bénéficier de différentes aides comme l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). C’est le Conseil départemental et sa Direction de l’autonomie ou Personnes âgées ou de l’action sociale qui gère.

[Ne sont mentionnés ici] que les salaires mais il convient bien entendu d’inclure dans chaque poste budgétaire les équipements inhérents.

Le financement de ces points sont définis dans une convention tripartite (État, Conseil départemental et l’Ehpad) de 3 ans dont le renouvellement fait l’objet d’âpres négociations mais pas toujours dans le sens où on pourrait s’y attendre.
En effet, les institutions départementales et régionales, rompues à l’orthodoxie budgétaire, autrement dit au néo-libéralisme, vont tout à la fois exiger un meilleur accompagnement (c’est le discours politique de l’institution) et refuser de financer ici un poste supplémentaire d’infirmière ou d’aide-soignante, là un pourcentage ETP supplémentaire pour le médecin-coordinnateur (c’est la part technocratique de la même institution).
De leur côté, les groupes privés vont refuser de dépenser un centime de plus, voire organiser une réduction des dépenses (mais on devrait appeler ça de la spéculation) en termes d’hébergement.
Les conditions d’une prise en charge de mauvaise qualité et celles d’un profit maximal sont donc réunies.

Mais chacun y trouve son compte quand l’État, refusant de mettre en place une 5eme branche dite Dépendance organise sa politique publique et sa communication politique avec le secteur privé et les collusion que l’on sait.
Il existe certes des rapports obligatoires et globalement, ce qu’on appelle le monitoring ou l’évaluation est un élément bureaucratique central qu’il serait tentant d’analyser comme un garde-fou efficient. Il n’en est rien bien évidemment. […]

Mais alors pourquoi nos exécutifs départementaux et nationaux choisissent constamment ce mode de prise en charge ?

Nous avons peut être une piste dans l’habitude prise par de hauts-fonctionnaires consistant à passer de la fonction publique au privé et vice et versa en fonction des intérêts des citoyens des sociétés qui les embauchent et de leur propre carrière. On appelle ça les portes tournantes.

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Le parcours de Rose-Marie Van Lerberghe, présidente du directoire du groupe Korian, est éclairant à ce sujet.

– 1976 à 1986 fonction publique (inspectrice à l’IGAS puis conseillère ministérielle

– de 1986 à 1996 : travaille pour Danone (et filiale)

– en 1996 à 2000 déléguée auprès du ministère du Travail et des Affaires sociales.

– de 2000 à 2002 travaille aux ressources humaines de Altédia société conseil de Soubie

Et surtout

– De 2002 à 2006, directrice générale de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris.

– A partir de 2006 à 2010 elle est présidente du directoire du groupe Korian où elle émarge à 700 000 euros par an.

Elle est ensuite nommé administratrice de société côtée (Bouygues, Air France, Casino, Bouygues) et nommée au CSM ou à la commission nationale pour la maladie d’Alzheimer entre 2008 et 2012, présidente de l’Insitut Pasteur depuis 2013. Bref…

Au sein de l’Assistance Publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), elle réduit le nombre de lits en gériatrie… compensés par l’ouverture de nouveaux EHPAD. Korian, dont elle devient en suivant présidente du directoire, est une des principales bénéficiaires de cette décision. La société se montre d’ailleurs généreuse en la rémunérant 3.5 millions d’euros sur 5 ans.

La directrice générale actuelle de Korian, Sophie Boissard, a le même profil : diplômée de l’ENA, elle a occupé différents postes dans la sphère publique, notamment au Conseil d’Etat, au ministère du Travail et des Affaires sociales et au ministère de l’Économie et des Finances, avant de rejoindre le groupe SNCF en 2008, où elle a été notamment en charge, entre 2012 et 2014, de la stratégie et du développement du groupe.

A noter que Korian a aujourd’hui une santé financière resplendissante et réalisé un chiffre d’affaire de plus de 3,6 milliard d’euros, avec un résultat net de 136 Millions d’euros en progression de 10,4% par rapport à 2018 et un bénéfice avant impôt en hausse de +12,2 %. Korian avait prévu de verser à ses actionnaires 54 millions d’euros de dividendes, selon l’Obs, malgré les plus de 600 morts dans leurs établissements.

Ce mouvement s’est d’ailleurs poursuivi sous Macron où l’on ne compte plus le nombre de hauts fonctionnaires passés au privé pour mieux revenir aux manettes publiques. Il n’est dès lors guère étonnant de voir se poursuivre cette politique de réduction du nombre de lits. Ainsi est-il prévu de réduire de 30 à 50 % leur nombre au sein des unités de soins de longue durée (USLD) de l’AP-HP d’ici à 2024 soit plus de 1 000 lits. A une question à ce sujet de la sénatrice Laurence Cohen (PCF), le 30 mai 2019, Agnès Buzyn répondait que « la réduction du nombre de lits d’USLD sera compensée par un nombre équivalent de places nouvelles en Ehpad ou dans des structures hospitalières ou médico-sociales »

Enfin Fab Tenace nous livre également une autre une piste : « il convient de se rappeler que les lois de santé, d’action sociale et médico-sociale découlent de directives européennes qui en donnent un la majeur. » Le carcan libéral imposé par les traités européens auxquels se sont soumis les partis au pouvoir depuis 38 ans joue ici tout son rôle.

Espérons que la crise due au coronavirus nous permettra de créer un rapport de force qui nous permettra de mieux d’appréhender la dépendance et la prise en charge de nos anciens de manière moins comptable et plus humaine.

G. E

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