Avignon, ce n’est pas seulement une ville où nous vivons, c’est aussi une histoire, et il est important que Sur le pont se penche sur cette histoire, car elle nourrit sa mémoire.
Rencontres autour du Rhône
Le Rhône passe là, au pied d’Avignon. Avignon est construite au bord du Rhône. Mais c’est plus compliqué que cela. Car, de l’autre côté du pont, on n’est pas seulement sur l’autre rive, on est aussi dans une autre région.
Avignon est au cœur des rencontres entre l’Est et l’Ouest de notre pays, mais aussi de l’Europe elle-même. C’est ce qui nous dit l’organisation du territoire, puisque, de l’autre côté du pont, on est dans le Gard, lui-même dans la vaste région Occitanie, qui regroupe, depuis peu, le Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. Mais, si l’organisation du territoire nous explique cela, c’est que c’est une vieille histoire. Le Rhône a toujours été une frontière : d’un côté, à Avignon, le pays des papes, et, de l’autre côté, celui des rois de France. D’un côté du pont, la Provence, et, de l’autre côté, le Languedoc.
Aujourd’hui, d’un côté on est dans une Europe et de l’autre on est dans l’autre. Mais, en même temps, si le Rhône a toujours été une frontière, il est aussi la ligne sur laquelle se rencontrent les peuples, la ligne sur laquelle ils se parlent, ils échangent. Autour du Rhône, nous vivons dans un espace de rencontres et de liens, dans un espace où, depuis toujours, on s’est trouvé en face de l’autre, pour le reconnaître et pour le comprendre, pour donner du sens aux différences qui nous distinguent de lui, car c’est toujours de la rencontre de l’autre que naît l’identité, qu’elle se forge, qu’elle se construit, au fil des siècles et tout au long de la mémoire ainsi partagée.
Avignon, un nœud de rencontres
Et Avignon, dans toute cette histoire, a toujours été la ville des rencontres, le nœud autour duquel se construisent ces échanges. D’abord, c’est par la route qu’ont eu lieu ces rencontres (elles ont eu lieu, au sens propre : elles ont eu, ainsi, un lieu pour se faire). Et puis il y a eu la grande expérience du rail. C’est depuis toujours à Avignon que se sont séparées les deux voies du chemin de fer, celle qui va vers Marseille, puis vers Nice et l’Italie, et celle qui va vers Montpellier, puis vers Toulouse, le Languedoc et l’Espagne. Le réseau du T.G.V. s’est, à son tour, inscrit dans cette expérience, puisque le T.G.V. a repris l’expérience de ce que l’on appelait le P.L.M., Paris-Lyon-Méditerranée, pour donner naissance au réseau que nous connaissons aujourd’hui.
Et puis Avignon, c’est la ville des échanges, comme on peut s’en rendre compte en lisant les noms de rue, sur les plaques qui sont rédigées en deux langues, en français et en langue d’Oc, comme pour bien nous rappeler que cette ville n’est pas seulement, comme toutes les villes, un réseau de rues, mais qu’elle est aussi, de cette manière, un réseau de chemins de rencontre.
Enfin, Avignon est une ville de rencontres entre des habitants de toutes les origines, entre des habitants et des voyageurs, entre des habitants et des migrants qui viennent s’installer ici parce qu’ils savent qu’ils y seront accueillis.
Une rencontre de pouvoirs
En se trouvant ainsi au nœud de la rencontre des espaces politiques, Avignon a toujours été le lieu, mais aussi l’enjeu, des affrontements et des confrontations entre les pouvoirs. Entre le roi de France et les papes, entre les pouvoirs des différentes régions, mais aussi entre les pays et entre les royaumes. Aujourd’hui, Avignon est un enjeu de rencontres et de confrontations entre la municipalité et le Grand Avignon. Il s’agit d’une confrontation qui a lieu dans de nombreuses villes, comme à Marseille devenue l’enjeu de la confrontation entre la ville et la métropole.
Mais Avignon est aussi l’enjeu d’une autre confrontation, bien plus ancienne, entre les pouvoirs locaux et régionaux et le pouvoir de la nation. L’État se démultiplie, à Avignon, entre ses différentes dimensions, entre ses différentes manifestations. Les lois de décentralisation de 1983 ont encore accentué ce phénomène en reconnaissant, enfin, une autonomie et un pouvoir propre aux collectivités territoriales qui entrent ainsi en une sorte de rivalité dans les villes comme Avignon.
Une rencontre de cultures
En 1947, a lieu, pour Avignon, une sorte de nouvelle naissance, quand Jean Vilar fonde le Festival dans le Palais des papes. Désormais, la ville n’était plus seulement une ville mettant en œuvre une politique culturelle municipale, elle devenait une sorte de capitale du théâtre. Tous les ans, se rencontrent, ici, les théâtres de toutes sortes, comédie, tragédie, mime, théâtre en costumes, théâtre masqué, théâtre en vêtements de ville, mais aussi, surtout, théâtres de tous les pays et de toutes les cultures.
Mais, au-delà, réfléchissons un peu plus au sens du théâtre même : le théâtre, c’est aussi l’expérience de rencontres entre des acteurs et les personnages qu’ils interprètent, entre des acteurs et des publics, entre des scènes et des œuvres, entre des cultures de notre temps et des cultures d’autres temps et d’autres mémoires.
C’est de cette manière que les rencontres qui ont lieu à Avignon sont aussi des rencontres entre des identités multiples, plurielles. Car c’est cela la culture : l’expression d’une identité. Cette polyphonie des cultures que nous vivons à Avignon, grâce aussi à la rencontre des étudiants, c’est, ainsi, une polyphonie des êtres et des identités, dans toute la diversité de ses formes et de ses expressions.
Une ville politique
Tout cela nous amène à cette réflexion : Avignon, c’est une ville politique. D’abord, tout simplement, parce que la politique, c’est le langage de la ville, de la polis, mais ici, ce langage de la ville se parle dans une infinité de langues : il se parle dans la langue des partis, dans la langue des citoyens, dans la langue des femmes et des hommes qui se rencontrent, il se parle dans la langue de celles et de ceux qui, en s’opposant les uns aux autres, construisent leur propre expérience politique, leur propre culture politique.
Parti du commun, de la mise en commun, le Parti communiste exprime ainsi, dans son identité même, la politique de la rencontre et de l’écoute comme du égard porté vers l’autre. Peut-être est-ce pourquoi nous avons notre place au cœur de la ville, à Avignon, ville, aussi, de la rencontre entre le lieu du centre des multiplicités et de la multiplicité des périphéries.
Bernard L.