Sur le pont camarade

À PROPOS DU « PLAN FAUBOURGS »

J. de Benito nous a présenté le « plan Faubourgs » de la municipalité. Revenons sur cette initiative importante dans la politique de la ville.

La mobilité fait naître l’espace

C’est en se déplaçant dans un espace que nous l’habitons vraiment. La mobilité, ce ne sont pas seulement des parcours et des déplacements : c’est de cette manière que l’espace est pleinement peuplé de personnes qui le découvrent, le connaissent, en acquièrent une véritable expérience. La mobilité est un des éléments fondateurs de la citoyenneté. C’est pourquoi elle occupe toujours une place essentielle des politiques d’urbanisme – et, en particulier, de celle d’Avignon avec le « plan Faubourgs ». C’est, d’ailleurs, ce que dit le document de la municipalité : Vivez autrement votre quartier.C’est pourquoi il est important de ne pas réduire la politique de la mobilité à l’organisation des déplacements : à Avignon, il s’agit de réunir les quartiers éloignés et séparés les uns des autres en leur donnant une identité commune, une identité partagée. C’est ainsi que ce « plan Faubourgs » s’inscrit dans le projet communiste de la ville, puisqu’il contribue à instituer du commun.

Deux orientations donnent sa signification à ce plan : en finir avec la séparation entre l’intra muros et l’extra muros, et réunir les quartiers en permettant les échanges entre eux. C’est ainsi que la municipalité entend renforcer la conscience de la ville en facilitant les transports, mais aussi, de cette manière, désenclaver des quartiers parfois séparés les uns des autres. De cette manière, le « plan Faubourgs » s’inscrit dans la continuité du « nouveau sens au cœur de ville », proposé en 2019.

En finir avec l’impérialisme de la voiture particulière

Deux motivations orientent ce plan vers la réduction de la circulation automobile à Avignon.

La première est environnementale : il s’agit de limiter la pollution entrainée par l’excès de voitures dans l’espace urbain, qui atteint des nivaux insoutenables. Cette exigence est à la fois une exigence écologique et une exigence de santé publique. Mais, si, de cette manière, l’écologie caractérise une politique urbaine de gauche, c’est qu’elle s’inscrit dans une politique de la ville opposée au libéralisme qui domine l’excès de voitures particulières. C’est le libéralisme qui, pour accroître les profits de l’industrie automobile, a imposé l’usage de la voiture dans les déplacements et, accessoirement, la diminution de l’usage des transports publics. Par ailleurs, il s’agit bien d’une politique sanitaire. On se rend mieux compte, aujourd’hui, que la santé publique fait bien partie des exigences de la politique, parce qu’elle a pou but de contribuer à diminuer les pathologies et de permettre une vie quotidienne plus saine.

L’autre motivation du « plan Faubourgs » de réduction de l’usage de la voiture particulière est d’imaginer une nouvelle logique de la mobilité, contribuant à l’amélioration des échanges entre les habitants et, ainsi, à l’expression d’une nouvelle citoyenneté. Le propre de la voiture particulière est que nous sommes enfermés dans nos véhicules et que nous nous déplaçons sans souci des autres, en les ignorant. La multiplication des voitures fait de l’organisme urbain un ensemble de petits atomes circulant sans cesse, polluant sans cesse, finissant par ignorer la sociabilité. L’impérialisme de la voiture particulière a fini, peu à peu, en particulier depuis les années soixante, par rendre la ville invivable et, en nous faisant ignorer nos voisins, par contribuer à l’émergence de la violence urbaine sans que nous nous en rendions compte.

D’une constellation de faubourgs, faire naître une ville

En s’intitulant « plan Faubourgs », cette initiative de  la municipalité nous amène à repenser nos places nos rues et nos parvis d’écoles. Il s’agit, en ce sens, d’une politique culturelle. C’est toute la culture de la ville que nous devons imaginer de nouveau. Peut-être est-ce en ce sens qu’il est important d’aller au-delà de « l’esprit village », mais d’en finir avec la contradiction entre ville et village, entre urbanisme et politique de l’environnement. Cette ville que nous allons faire naître fait de « l’Avignon nouveau » une ville montrant trois caractères essentiels.

D’abord, il s’agit d’une politique esthétique : repenser nos rues, c’est faire de la ville un nouveau paysage, plus agréable à regarder et à découvrir, plus neuf, en quelque sorte, grâce au renouvellement du patrimoine. L’esthétique de la ville, c’est la recomposition des paysages, de ce que l’on peut appeler la mise en scène de l’espace urbain. Finalement, le « plan Faubourgs » rejoint la tradition du Festival d’Avignon, fondé, rappelons-le, par un metteur en scène engagé à gauche.

Par ailleurs, ce nouvel Avignon va retrouver des parcs et des espaces verts. Nous nous trouvons, de nouveau, ainsi, dans l’articulation essentielle entre politique écologique et politique sociale de la ville. En effet, c’est une nouvelle façon d’habiter la ville que nous concevons dans le « plan Faubourgs ». En désenclavant les quartiers, ce plan facilite leur immersion dans l’espace urbain, ce qu’il faut comprendre comme une politique visant à faire de la ville un espace de vie sociale et d’égalité.

Enfin, la constellation des faubourgs encore isolés les uns des autres peut fonder un espace urbain d’espaces réunis. Les faux bourgs (c’est ce que signifie le mot) en deviennent des vrais, c’est-à-dire des espaces qui deviennent des espaces de ville, comme si l’esprit village se réunissait à un esprit ville. En réunissant les faubourgs par une politique de mobilité améliorée, la municipalité fait naître une identité nouvelle de la ville.

Inscrire la politique des déplacements dans une politique urbaine globale

Le « plan Faubourgs » n’a de sens que dans une politique globale d’urbanisme intelligent. C’est pourquoi, en évoquant une ville à taille humaine, le document de présentation du plan propose deux logiques. La première est celle d’un espace dans lequel les habitants ne se perdent plus. Même si Avignon n’est pas une métropole, elle a tout de même atteint des dimensions qui ne sont plus à notre échelle, dans lesquelles nous ne nous retrouvons plus. Ainsi, le « plan Faubourgs » devient urgent. L’autre logique est celle d’un temps de ville nouveau. Un temps de ville est un temps dans lequel nous ne perdons plus notre temps dans les embouteillages, un temps dont nous redevenons politiquement maîtres, un temps qui n’est plus un temps d’aliénation, mais un temps de citoyenneté.

Bernard L.

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