La liaison Est Ouest, dite « LEO » serait rendue obsolète parce qu’elle a été pensée au XXème siècle et que la sensibilité environnementale propre à notre siècle, accompagnée d’un nouveau corpus normatif nous invite à repenser le projet. C’est ainsi que l’Autorité environnementale a rendu un avis négatif qualifiant les travaux «d’obsolètes », « non actualisés », « datant d’une vingtaine d’années » ou « réalisés au travers de travaux disparates ».
Dans son avis du 20/09/2019, la Commission nationale de la protection de la nature indique « qu’au vu de l’ensemble des enjeux de biodiversité particulièrement forts sur le secteur (le projet est) à mettre en balance avec l’intérêt public majeur pas assez démontré ».
Intérêt public majeur pas assez démontré ?
La préfecture du Vaucluse a ouvert une consultation publique pour recueillir les avis sur la LEO. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette consultation est difficilement accessible et qu’elle ne favorise pas la participation du plus grand nombre. Seuls quelques initiés, acteurs économiques ou opposants émérites à ce projet s’en sont emparés.
Pour autant, les premiers concernés, à savoir les habitants de l’avenue Charles de Gaulle, dite Rocade, attendent des solutions à la circulation mortifère qui déboule sur leur pas de porte.
Les chiffres sont connus mais méritent d’être rappelés. Un médecin officiant sur la Rocade a noté que parmi ses patients, “l’incidence des pathologies grave est plus importante dans ce quartier, notamment pour les pathologies cardiovasculaires et respiratoires. Avec une hausse de 16% pour les cancers. Pour les cardiopathies, la hausse est de 26%». Certains estiment à 150 les décès chaque année pour cause de pollution.
En quarante ans, le nombre de voitures n’a cessé de croître (20 millions en 1980 / 40 millions en 2020) l’industrie manufacturière a périclité et a été remplacée par des pôles logistiques dédiés au transport par camions de marchandises importés. Les voitures et les camions ont envahi nos villes et nos vies. 40 000 véhicules circulent tout le long de la Rocade mais la ville, les remparts, les boulevards sont également engorgés de voitures en transit.
Il est urgent de les éloigner du cœur de la ville. Pour cela, la LEO, dont les premiers projets datent du début des années 1980, apparaît comme la plus indiquée. L’emprise foncière appartient déjà à l’État, les plans sont réalisés et le financement a été assuré en 2020. Pouvons-nous nous permettre de repartir pour vingt ans d’études et de débats ? La tranche 2 aurait dû être réalisée dans la foulée de la tranche 1. Sans atermoiements, cela fait bien six ans que les camions auraient pu être interdits sur la Rocade.
Alors oui, 21,2 hectares de terres agricoles seront sacrifiés. Hélas, d’autres le sont aussi du fait des politiques agricoles qui ruinent les exploitations notamment maraîchères. Mais ces terres seront utilisées pour l’intérêt général, pour la santé des 15 000 riverains de la Rocade et plus encore si on compte ceux qui habitent les faubourgs, victimes également d’une circulation excessive. Elles ne seront pas utilisées pour faire une zone commerciale géante, un pôle logistique ou autre aberration écologique, économique et urbanistique. Toutes les garanties peuvent être également prises pour que la réalisation de la LEO ne conduise pas à une urbanisation accrue des territoires concernés.
Alors oui, elle aboutit sur le rond-point de l’Amandier mais la circulation à cet endroit ne sera pas nouvelle : ce sera celle qui aurait emprunté la Rocade sans LEO. Alors non, la LEO ne fera pas disparaître le transit excessif des poids lourds. Les sociétés de logistique s’installent dans notre département de par sa position géographique. À moins d’une réindustrialisation du pays que nous souhaitons et d’une production locale renforcée, les camions continueront de parcourir nos routes faute d’une politique de développement du fret ferroviaire et, partout où cela est possible, du fluvial. Ce sont des alternatives que nous défendons depuis des années.
Toutes les autres solutions : parkings-relais aux abords de l’agglomération, transports en commun en site propre, gratuité de l’autoroute Avignon Nord et Avignon Sud, jonction A9 et A7 au sud d’Orange, doivent être étudiées et sans aucun doute réalisées mais sans pour autant remettre en cause la LEO. Ces projets sont complémentaires.
Alors non, il n’y aura pas d’effet rebond. Si la Ville vient reconquérir les espaces libérés par la circulation de transit pour y favoriser les modes doux avec de vrais trottoirs, de vraies pistes cyclables bien sécurisées, des transports en commun en site propre, une végétalisation accrue, la LEO peut être une opportunité pour dessiner la ville du XXI ème siècle douce et végétale.
Delphine JORDAN. André CASTELLI
Conseillers Départementaux de Vaucluse