« L’humanité est en voie de se détruire matériellement et moralement pour rien, pour une frénétique accumulation de richesse abstraite. Il n’y a donc pas de question plus centrale à poser aujourd’hui que celle du sens de nos activités humaines. » Lucien SEVE.
Lorsque l’on prononce le mot communisme il faut d’abord savoir de quoi on parle. Cette question de la définition du mot, de ce qu’il signifie (ou pas) s’adresse en premier aux communistes eux-mêmes. Qu’est ce que cela représente d’être communiste aujourd’hui, quel projet de société proposons-nous, comment comptons-nous y parvenir ?
Bien entendu, avec cet article, je n’ai pas la prétention d’apporter des réponses complètes et définitives à ces questions ni de donner des leçons de communisme à quiconque. Cet article est simplement le produit de lectures (les bons côtés du confinement) et de redécouvertes (de découvertes) d’auteurs qui ont travaillé le sujet en lui apportant un nouvel éclairage, souvent en rupture avec les certitudes anciennes : Lucien SEVE, Bernard VASSEUR, Alain BADIOU, Yvon QUINIOU notamment. Ces auteurs, philosophes, historiens, sociologues, économistes, militants, ont revisité MARX, ENGELS, LENINE, GRAMSCI et ont soumis leurs travaux au révélateur du temps et de l’actualité.
Au chapitre des oublis, des raccourcis, des mauvaises interprétations, des contresens, des caricatures, des accusations, des procès, je distinguerai deux catégories distinctes :
1er/ Ceux qui défendent par intérêt ou conviction le capitalisme, ceux qui ne veulent fondamentalement rien changer ou qui s’en accommodent. Je les définirai comme « les ennemis naturels du communisme ». Ils disposent de formidables moyens de communication, éditions, télé, radio, sites, liés directement au capital.
2ième/ Des dirigeants, responsables communistes, en particulier STALINE et ses successeurs, mais beaucoup d’autre aussi y compris au sein du PCF qui ont caricaturé, dénaturé, appauvri les travaux de MARX et ENGELS, qui les ont réduit à des slogans, à des dogmes sans contenu.
Les ennemis naturels du communisme ont, dès l’origine affirmé, ce que l’on peut résumer sous la forme d’une équation : Communisme = Misère = Totalitarisme = Goulag. Evidemment la trajectoire de l’Union Soviétique et son effondrement terminal semble leur avoir donner raison. Ce morceau d’histoire a alimenté, par les faits, le procès permanent du communisme afin de le renvoyer au musée des horreurs. On connait bien les auteurs de référence de cette nécrologie, FURET et COURTOIS notamment.
Mais voilà l’acte de décès ne nous concerne pas véritablement. En effet s’il y avait (exclusivement) des membres du parti communiste en URSS aux postes de direction, le fonctionnement de la société était tout sauf communiste. Une économie étatisée dirigée par un appareil bureaucratique autoritaire n’a qu’un très loin rapport avec la visée communiste qui, rappelons-le, a pour horizon le dépérissement de l’Etat. Notons, au passage, que les croque-morts du communisme n’ont que très rarement porté le débat sur la nature et la nocivité du capitalisme mises en lumière par MARX et ENGELS.
Revenons à la première question posée : De quoi parle-t-on lorsque l’on se réfère au communisme ?
Première réponse : Aucun des pays dirigés par des partis communistes, l’URSS et ses satellites, la Chine, Cuba, le Vietnam, n’ont revendiqué l’instauration du communisme dans leur pays. L’objectif affiché étant toujours remis à plus tard. L’exemple de la Chine est particulièrement éclairant avec une économie très largement lié au capitalisme international bien que étroitement contrôlée et dirigée par l’Etat et le parti. Ils se sont définis eux-mêmes comme des pays socialistes, un socialisme dit « scientifique » par opposition à la social-démocratie, mais socialiste quand même. URSS = Union des Républiques Socialistes Soviétiques.
Donc le procès du communisme à partir des exemples soviétiques, chinois et autres n’a aucun sens si ce n’est que ces pays étaient ou sont dirigés par des partis communistes.
J’en viens donc à la deuxième catégorie évoquée précédemment, à ceux qui tout en brandissant la bannière du communisme, ont dénaturé, caricaturé, appauvri la pensée, les travaux de MARX, ENGELS et ont rendu inaudible voire repoussant le projet lui-même. La relecture critique des théoriciens du communisme a conduit de très nombreux, militants, chercheurs, philosophes à réfuter le terme marxiste pour lui substituer celui de marxien. Le marxisme constituant à leurs yeux l’ensemble des contresens qui ont été faits sur MARX. Pour résumer être marxien c’est se positionner contre l’idéologie et pour le réalisme.
Dialectique, matérialisme et réalisme sont les piliers les plus importants du cheminement de la pensée de MARX.
Question : La critique du système capitaliste avec les trois tomes du Capital est-elle toujours d’actualité ?
Si l’est un domaine où MARX est difficilement attaquable et rarement attaqué y compris par ses ennemis naturels c’est bien sur son analyse de la nature du capitalisme, sur son fonctionnement, sur ses conséquences. « Il y a une lutte des classes, évidemment, mais c’est ma classe des riches qui mène la lutte. Et nous sommes en train de gagner. » Warren BUFFET.
Son œuvre, sa pensée avec l’apport essentiel de ENGELS va très au-delà de la sphère économique et de la description du processus d’accumulation de la richesse au profit d’une petite minorité et au détriment de la grande majorité. L’œuvre de MARX est immense, elle est globale. Il est présent où on ne l’attend pas : L’écologie ( avec l’épuisement de la nature en raison de sa surexploitation) la production agricole ( avec la dépossession du paysan de son travail par « l’agro- business » et l’épuisement des sols) le consumérisme ( avec le fétichisme de la marchandise) la qualité des denrées alimentaires ( avec le scandale du pain trafiqué à Londres en 1860) et même le féminisme ( « Dans un couple l’homme est le bourgeois, la femme le prolétaire »).
Oui ! MARX était un visionnaire, oui MARX est actuel !
Bien sûr il nous revient de poursuivre ses travaux avec, par exemple, la financiarisation mondiale de l’économie ou l’irruption de l’informatique et des réseaux.
Que devons nous retenir aujourd’hui ?
Non ! Le communisme n’est ni un programme, ni un objectif, encore moins un idéal. C’est un processus de dépassement du capitalisme en confrontation permanente avec le réel, pour en finir avec l’état d’aliénation de l’homme dans lequel le confine le système capitaliste. Le concept d’aliénation de l’homme développé par MARX se situe au-delà du domaine de la production et de l’exploitation de la force de travail, il englobe tous les aspects de la vie, rapports sociaux, familiaux, religion, consommation, culture, loisirs.
Le communisme est-il une utopie ?
Non ! Puisqu’il repose sur un processus de confrontation au réel avec la recherche de solutions compatibles avec le réel. Actuellement des ilots de communisme sont bien présents dans notre société. La sécurité sociale, les coopératives, les SCOP, l’économie solidaire, les réseaux d’entraide et plus largement tout ce qui s’éloigne de la priorité au profit avec une mention particulière pour le domaine de la gratuité (enseignement, santé, transports). Le communisme c’est par définition la mise en commun.
Comment y parvenir ?
Le combat, la lutte, l’éducation, les propositions, l’écoute, se confronter toujours au réel, expérimenter. Contrairement aux idées reçues, MARX n’a jamais théorisé la linéarité du processus historique conduisant inéluctablement au communisme ni de la nécessité de la révolution violente ou du grand soir. ENGELS a admis que des changements profonds peuvent intervenir dans le cadre d’élections. Bien entendu ils ne se faisaient aucune illusion sur les moyens pouvant être mis en œuvre par les défenseurs du système capitaliste (guerres, répressions, dictatures). Par contre MARX a souligné que les progrès significatifs sont obtenus à l’issue des périodes de crise du capitalisme (Lucien SEVE parle de fenêtres historiques comme la libération et le CNR). GRAMSCI nous dit que durant la période intermédiaire entre le monde ancien et le nouveau des monstres apparaissent. Nous y sommes.
Jean-François MARIN
Références :
Lucien SEVE : Découvrir MARX La découverte.
Commencer par les fins. La dispute.
Bernard VASSEUR : Avec MARX Editions PCF.
Florian GULLI et Jean QUETIER : Découvrir ENGELS et GRAMSCI.
La découverte.
Alain BADIOU : Qu’est ce que j’entends par marxisme.