Sur le pont camarade

COMMÉMORATION PIERRE SEMARD,

Les cheminots de la Rotonde ont commémoré ce 8 mars la mémoire de Pierre Sémard militant syndicaliste et communiste abattu par les nazis le 7 mars 1942. Cet acte a été déplacé au lundi pour permettre aux 40 actifs des Rotondes de se joindre aux retraités en ce moment de mémoire. Il y a vingt ans, plus de 250 personnes travaillaient aux Rotondes.

Voici le verbatim de l’allocution du secrétaire du syndicat CGT cheminot 84, Jean François Chamayou :

Le 08 mars 2021

L’anniversaire de l’assassinat de Pierre Sémard par les nazis, le 07 mars 1942, est commémoré tous les ans par le syndicat CGT des cheminots d’Avignon. Tous les ans, c’est aussi l’occasion d’honorer la mémoire des résistants cheminots des Rotondes d’Avignon, morts au combat, fusillés ou mort en déportation. Et nous ne manquerons pas, cette année encore de rappeler à notre mémoire leur sacrifice pour la liberté et la justice sociale, contre la barbarie nazi.

Mais cette année, cette prise de parole évoquera plus particulièrement le militant politique et syndical que fût Pierre Sémard, et surtout la nature de ses combats.

Honorer la mémoire de Pierre SEMARD, syndicaliste CGT et militant communiste, revêt en 2021 une dimension particulière, au regard des luttes qu’il a menées tout au long de sa vie.

Nous vivons aujourd’hui une deuxième année de crise sanitaire, crise sanitaire qui se double d’un véritable choc économique et social, crise qui frappe bien évidemment plus durement les plus précaires, les plus pauvres….

Parmi eux bien sûr de nombreux travailleurs dont les emplois sont menacés, des dizaines de millions partout dans le monde.

Pendant ce temps-là les bénéfices et dividendes des actionnaires continuent d’exploser, accélérant la croissance ses inégalités dans le monde.

Plus que jamais donc la situation impose une action syndicale déterminée et opiniâtre, porteuse d’un véritable projet de société de transformation sociale, vers plus de justice et d’égalité…

Les historiens du mouvement social reconnaissent en Pierre Sémard un homme qu’on peut qualifier de visionnaire, parce qu’il fut parmi ceux qui ont écrit les premières pages d’une conception moderne du syndicalisme.

Il prônait déjà le rassemblement des salariés et l’unité des travailleurs comme des éléments indispensables à la construction du rapport de force. Il portait l’idée d’un syndicalisme qui se devait d’être une force de contestation, mais aussi une force de propositions alternatives, capables de mobiliser les salariés sur des revendications construites avec eux.

Il fût avant tout animé par la volonté de voir se construire une société de paix, de justice, de démocratie, de solidarité entre les hommes et entre les peuples, de respect de l’être humain et de son travail.

Il sut les traduire en revendications concrètes, porteuse de ce véritable projet de société progressiste qu’il est encore aujourd’hui nécessaire de défendre.

Les batailles menées et impulsées par Pierre Sémard, lorsqu’il dirigeait la Fédération CGT des Cheminots sont toujours modernes et d’actualité :

  • Les congés payés et la réduction du temps de travail ;
  • La construction d’une entreprise de chemin de fer nationale, publique, unique et intégrée ;
  • Un transport ferroviaire de service public indispensable au développement de la nation, desservant tous les territoires et répondant aux besoins des citoyens ;
  • Un statut et une protection sociale de haut niveau pour tous les salariés du rail pour éviter leur mise en concurrence dans ce secteur.

Pierre SEMARD a aussi porté la possibilité aux salariés d’intervenir dans la gestion des entreprises. Cette intervention des salariés sur les choix des entreprises est aujourd’hui contestée par l’ensemble des tenants du libéralisme.

Pourtant cela a été en partie gagné, non pas dans les salons feutrés, mais par la lutte. Et tout cela a sans cesse été remis en cause par un patronat revanchard, et tout cela est aujourd’hui fragilisé, menacé, saccagé, contre les intérêts des cheminots, des usagers, des citoyens, de la nation toute entière… !

Que disaient alors les formations politiques conservatrices ?

« Les entreprises publiques, les services publics, les statuts protecteurs pour les salariés, c’est insupportables pour les finances de l’État… et pour les entreprises. »

Alors qu’ils n’ont jamais cessé de faire gonfler leur fortune, ce sont les mêmes qui aujourd’hui nous assènent des discours identiques, arguant de la mondialisation de l’économie, du crédo libéral du ruissellement, de la concurrence soit disant libre et non faussée, présentés comme une panacée pour tous alors qu’elle n’est que la garantie de profits pour eux.

C’est à partir de ces logiques ultras libérales que dans toutes l’Europe, les gouvernements réduisent les niveaux des salaires et des retraites, font reculer l’âge de la retraite, remettent en cause les droits sociaux, foulent aux pieds les codes du travail et nous resservent l’éternel discours patronal sur le coût du travail.

Ouvrons les yeux sur les projets des tenants du libéralisme, sur les discours de ceux qui entendent éclater les systèmes ferroviaires publics, mettre fin aux entreprises nationales, abroger les statuts des salariés, déréglementer le travail, pour offrir le rail aux marchés et aux profits des marchands.

C’est le service public ferroviaire qu’ils veulent tuer, l’ensemble des services publics, afin de s’accaparer d’une manne financière qui leur échappe!

Le combat syndical mené par des hommes comme Pierre SEMARD ou comme les camarades d’Avignon morts en résistance, doit impérativement se poursuivre !

Ces hommes sont parvenus dans une époque beaucoup plus difficile, à relever la tête ! Alors qu’ils risquaient leur vie ils ont refusé le renoncement et l’ont payé cher.

Mais ils ont ainsi contribué à élever les consciences, et après-guerre, à gagner des conquêtes sociales qui ont permis à notre pays de se reconstruire, tout en assurant une plus grande justice sociale.

Se souvenir et honorer Pierre SEMARD, se souvenir et honorer le sacrifice des camarades présents sur cette stèle, c’est aussi faire acte de volontarisme pour défendre les mêmes valeurs humaines, de justice, de solidarité et de paix.

Et parce que cette année, le calendrier fait que nous commémorons le sacrifice de ces camarades un 08 mars, je voudrais rajouter que le combat pour l’égalité entre les hommes et les femmes, le combat contre les violences faites aux femmes est évidemment au cœur même de ces valeurs. Ce pourrait être une évidence depuis toujours, mais ça ne l’est malheureusement pas, toujours et partout, encore aujourd’hui…

Les mêmes ferments de la barbarie sont toujours bien présents, intolérance, racisme, antisémitisme, xénophobie, sexisme et toutes les formes de haine et de bêtise, de volonté d’exclure, de dominer, de mépriser, de stigmatiser l’autre… et partout dans le monde de trop nombreux démagogues, quand ils ne sont pas criminels, usent de toutes ces formes de violences pour perpétuer leur pouvoir ou cacher leurs forfaitures.

Pierre SEMARD, injustement condamné, livré aux nazis par le gouvernement de Vichy et assassiné par eux, serait aujourd’hui atterré de voir remonter les idées d’extrême droite partout en Europe et de par le monde. La France n’y échappe malheureusement pas !

Alors OUI, honorer la mémoire de résistants et de Pierre SEMARD en 2021 n’a rien d’archaïque ou de passéiste comme certains pourraient le laisser penser. Bien au contraire, se souvenir de ces combattants, de ce militant syndical et politique, c’est nous engager à poursuivre les mêmes combats.

C’est perpétuer inlassablement cette bataille pour une société plus humaine et plus juste et pour la paix entre les peuples.

C’est nous attacher à être très modestement, mais avec lucidité et détermination, leurs dignes et fiers héritiers.

C’est surtout ne pas accepter qu’à peine plus de 80 ans plus tard, on puisse penser qu’ils soient morts pour rien, ou que leurs combats ne valaient finalement pas le coup… Comment pourrait-on accepter cela ?

Il s’agit de faire en sorte que la mémoire de ceux dont les noms sont inscrits sur ce monument, de ceux qui comme Pierre SEMARD sont morts pour défendre les idéaux que nous portons aujourd’hui encore, que cette mémoire nous serve de guide pour prolonger leur combat.

A la mémoire de nos camarades morts en résistance, de Pierre Sémard, assassiné le 07 mars 1942, je vous demande maintenant d’observer une minute de silence…

Merci

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